A défaut de débats d’idées, de confrontation de programmes électoraux et de projets à même de changer le quotidien des Tunisiens, la scène politique, qui ne compte pas moins de 219 partis, est livrée à l’improvisation et à la manipulation par une catégorie inclassable d’outsiders. Faisant fi du moindre critère d’éligibilité, ils s’improvisent candidats à l’élection présidentielle et se voient installés dans le bureau présidentiel du Palais de Carthage. Sans programme, sans parti, sans cursus politique, sans références, sans vision, sans conviction.
Certains d’entre eux rivalisent d’ingéniosité pour brûler les étapes et bondir au-devant de la scène politique qu’ils ont quittée, bon gré mal gré, quelque temps auparavant. Et face aux vagues de critiques et de controverses, ils adoptent la politique de l’autruche et poursuivent leur bonhomme de chemin, forts de leur droit constitutionnel à se porter candidats à n’importe quelle élection. En effet, Nabil Karoui, Kaïs Saïd, Fayçal Tebbini et d’autres, moins connus, ont le droit, comme tout autre citoyen tunisien, de briguer un mandat présidentiel s’ils se voient dignes de cette responsabilité et tant qu’ils répondent aux critères d’éligibilité, des normes de bonne conduite reconnues et exigées dans les pays qui se respectent et qui sont respectés par la communauté internationale.
Le problème n’est pas la candidature, mais la manière d’y parvenir qui doit mettre en confiance l’électeur et le rassurer du respect de l’éthique politique, c’est-à-dire, plus tard, du respect de ses droits. Or ce n’est pas toujours le cas. On assiste aujourd’hui à la manipulation de l’opinion publique, sinon la défiance de l’Etat. Cela va des faux sondages politiques aux campagnes médiatiques exploitant la misère des gens, en passant par les dépassements de langage et les insanités. Comment un chef d’Etat pourra-t-il faire respecter la loi fiscale, si lui-même a des démêlés avec la justice fiscale ? Sidérée, la députée et militante des droits des femmes Bochra Belhaj Hamida en est venue jusqu’à suggérer la suppression de la présidence de la République afin de la préserver des intrus. Ceci pour l’anecdote, sauf que le sentiment que la transition démocratique est en danger réel et se propage un peu plus chaque jour. La Haica, qui est chargée de réguler le secteur de l’audiovisuel afin d’instaurer le principe d’égalité des chances dans l’accès aux médias pour les différents candidats, bute contre un mur, celui de Nessma. Quant à l’ARP, son hémicycle s’est transformé au fil des ans en une arène verbale où les propos les plus virulents se disputent le podium du buzz.
En bafouant les règles de l’éthique politique et les lois en vigueur, les candidats aux élections oublient qu’ils manquent ainsi de respect aux électeurs et qu’ils entachent l’ensemble du processus électoral. Les représentants des partis politiques se réveilleront-ils à temps pour sauver les prochaines échéances électorales et, par là même, leurs propres chances de les gagner dans une course transparente et loyale ?